Eloignement géographique et cohésion familiale (XVe-XXe siècle), sous la direction de Jean-François Chauvard et Christine Lebeau, Strasbourg

Eloignement géographique et cohésion familiale (XVe-XXe siècle), sous la direction de Jean-François Chauvard et Christine Lebeau, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, Collections de l’Université de Marc Bloch, « Sciences de l’Histoire », 2006, 280 p.

 

Ce beau volume rend compte de la réflexion menée au cours de deux journées d’étude organisées à l’Université Marc Bloch de Strasbourg, en septembre 2004, par l’Équipe d’accueil « Sciences historiques »  (EA 3400). En quatre parties, il traite les principales problématiques qui sont cause de l’éloignement des familles, et source d’une stratégie, notamment épistolaire, de resserrement du lien : l’exil, la migration, les aléas du quotidien (XVIIIe-XIXe siècle), enfin la guerre, dont l’archétype reste la Grande Guerre 14-18. Historiens de la culture et  de la vie quotidienne pour la plupart, tous se sont penchés, fidèles en cela aux méthodes de M. Perrot, R. Chartier, P.‑A. Rosental, C. Dauphin et D. Poublan (toutes deux présentes d’ailleurs dans ce colloque), sur les événements qui font et défont les familles, du Prince de Condé chassé de France par la tourmente révolutionnaire, au modeste Poilu arraché à son village d’origine. Du point de vue qui nous intéresse, le matériau épistolaire est généralement traité comme une source d’information capable de renseigner surl’éloignement et ses causes, voire ses remèdes. Mais au fur et à mesure que ce moyen d’expression se démocratise (guère avant le XIXe siècle), il devient plus clair qu’il est le facteur essentiel de lutte contre cet éloignement, et par-là même objet d’étude plus serré, de la part de nos historiens, qui le dissèquent alors avec des attentions de stylisticiens. La fonction de la lettre est ainsi brillamment démontrée, dans la IVe partie (notamment par Christophe Prochasson), tant dans son rôle politique et stratégique, de la part des institutions militaires, que pragmatique et performatif auprès des familles. On en vient presque à croire, selon ces auteurs, que la lettre, à une époque et dans des circonstances où elle s’est quasi substituée à tout autre mode de communication au sein des familles, a été capable de modifier profondément les schémas de pensée de la population pendant et après-guerre, introduisant plus d’affectivité dans les relations conjugales et filiales, plus de considération entre hommes et femmes, plus de sens critique à l’égard de la chose publique, bref, générant un développement humain sans précédent.

O. R P.