Exil et épistolaire aux XVIIIe et XIXe siècles. Des éditions aux inédits. Rodolphe Baudin, Simone Bernard-Griffiths, Christian Croisille et Elena Gretchanaïa (dir.)

Exil et épistolaire aux XVIIIe et XIXe siècles. Des éditions aux inédits. Rodolphe Baudin, Simone Bernard-Griffiths, Christian Croisille et Elena Gretchanaïa (dir.), Cahiers d’Études sur les Correspondances des 19e et 20e siècles, n°16, novembre 2007, 338 p. 

La correspondance a souvent partie liée avec l’exil. Un volume d’actes s’était déjà consacré en  à ce sujet sous le titre Lettres d’exil, d’enfermement, de folie1. Le sentiment d’enfermement  provoqué  par la distance ou l’éloignement, la solitude, et l’isolement étaient placés au centre des analyses. Aujourd’hui sous la quadruple direction de Rodolphe Baudin, Simone Bernard-Griffiths,  Christian Croisille et Elena Gretchanaïa, un nouveau volume se situe davantage dans la réalité concrète des conditions de  l’exil sous le titre  Exil et épistolaire aux XVIIIe et XIXesiècles L’originalité de l’ouvrage consiste à placer en regard des articles nombre de lettres inédites des épistoliers étudiés, ce qui en renforce l’intérêt.  Il rassemble une douzaine de collaborations internationales. Chercher à identifier ce qui distingue la lettre d’exil de la correspondance ordinaire était l’objectif de cette entreprise. Tout en se fondant sur des correspondances d’hommes célèbres, écrivains, penseurs ou politiciens, de Galiani et Grimm à Joseph de Maistre ou Hugo, que sur les lettres d’épistoliers « ordinaires », comme des aristocrates français ruinés inscrits sur la fameuse liste des émigrés, ou des paysans suédois réduits à l’exil vers le Nouveau Monde, le recueil évoque une période large du second XVIIIe siècle à la fin du XIXe siècle. Comme il est logique pour ce type de sujets, les correspondances étudiées font découvrir des terres lointaines telles la  Sibérie, les plaines du Kansas, mais aussi  la France familière, terre d’exil pour les étrangers. 

La préface de  Rodolphe Baudin  intitulée « La correspondance d’exil ou les ambiguïtés d’un discours mouvant » ouvre un volume  divisé en quatre parties qui tiennent compte à la fois de la géographie et des événements politiques :Exils des Lumières La Révolution et l’exil, Exils russes, Révolutions et exils au XIXesiècle. 

Il est difficile d’évoquer dans le  détail toutes les contributions de ce riche volume. Marianne Charrier-Vozel décrit finement l’amitié consolatrice de l’abbé Galiani et de madame  d’Épinay. Alexandre Stroev évoque les passionnantes tribulations de cette sorte de «  Juif errant » qu’est devenu  Frédéric Melchior Grimm à travers « Dix lettres inédites adressées à Grimm et à Catherine II par des émigrés ». Sont étudiées par Nicolas Courtinat  les intéressantes lettres de prison et d’exil du marquis de La Fayette.  Henri Rossi à travers la correspondance d’émigration du père Edgeworth de Firmont, confesseur de Louis XVI,  trace les contours d’une personnalité singulière.  Nicolas Perot rassemble Chateaubriand, Sénac de Meilhan, Senancour, Madame de Staël pour croiser les voies de l’Épistolaire et du romanesque dans l’émigration. Elena Gretchanaïa  dégage les notions d’exil et de patrie dans la correspondance d’émigrés français en Russie à travers les textes de la princesse de Tarente, de Xavier de Maistre, du marquis de Lambert : elle produit en outre le précieux texte de Sept lettres inédites de la princesse de Tarente à la comtesse Golovina. Michael Kohlhauer  revient avec justesse sur les  lettres de Saint-Pétersbourg Joseph et Xavier de Maistre.  Avec Rodolphe Baudin, c’est le sentiment de l’exil dans la correspondance sibérienne d’Alexandre Radichtchev qui est souligné de façon nouvelle grâce à Six lettres en français de la correspondance d’exil de Radichtchev. Agnès Spiquel décode le dialogue épistolaire de deux exilés : Hugo et Hetzel à travers les îles anglo-normandes».  L’Italie, avec Cristina Trinchero, offre des témoignages originaux d’exil aux veilles de l’unification par les lettres d’intellectuels-patriotes italiens réfugiés à Paris.  Roger Marmus fait la chronique nostalgique d’une colonie suédoise installée dans les plaines du Kansas, à travers les lettres d’Ida Lindgren. Le volume est riche de nombreuses références bibliographiques qui donneront l’occasion à ses lecteurs d’effectuer de nouvelles trouvailles. 

G. H.-B.

1 Stendhal, Correspondance générale, édition de V. del Vitto avec la collaboration d’Elaine Williamson, Jacques Houbert et Michel-E. Slatkine, Paris, Champion, 6 vol., 1997-1999 ; et Brigitte Diaz, Stendhal en sa correspondance ou « l’histoire d’un esprit », Paris, Champion, 2003.