L’amitié dans les écrits du for privé et les correspondances, de la fin du Moyen Age à 1914

Colloque international organisé par les laboratoires de recherche CRPHL et ITEM de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour

Jeudi 30 mai, vendredi 31 mai 2013

UPPA, Parlement de Navarre, Musée national du château de Pau

L’amitié dans les écrits du for privé et les correspondances,

de la fin du Moyen Age à 1914

APPEL A COMMUNICATIONS

(public concerné : chercheurs historiens et littéraires)

* RÉSUMÉ

Le sentiment d’amitié, les comportements qui en résultent et les discours qui en rendent compte constituent l’objet de ce colloque, à l’intérieur d’un corpus documentaire et d’un cadre temporel précis : les écrits du for privé et les correspondances de la fin du Moyen Age à 1914.

Comment l’amitié s’exprime-t-elle dans les écrits intimes et comment la vit-on par correspondance ? Inversement, comment cette documentation, réputée proche de l’individu, de l’intime et du vécu, éclaire-t-elle l’amitié dans sa dimension historique ?

L’expression de l’amitié n’appartient pas à tous les discours (l’image la néglige). Quelles sont les caractéristiques du discours d’amitié ou sur l’amitié dans les écritures personnelles ? Quelles formes peut prendre, sur ces frontières de la littérature, une expression littéraire de l’amitié ?

* ARGUMENTAIRE

1. L’idéologie de l’amitié

Idéologie, philosophie, attitudes ou simples conceptions sur l’amitié : les écrits personnels traduisent la pensée d’une époque, ou du moins n’y échappent pas. Effort de clarification, désir d’anatomiser le sentiment, délectation à parler de ce qu’on aime – toutes ces motivations et d’autres encore sont à l’origine de l’écriture réflexive de l’amitié, qui s’accompagne, à l’occasion de l’échange épistolaire, d’un jeu de miroirs.

La représentation de l’amitié a connu une évolution notable : d’une image virile et passionnée, très liée à l’honneur, on glisse à partir du XVIIIe siècle à la conception privée et sentimentale qui est la nôtre. Surtout, l’amitié stricto sensu possédait un arrière-fond aujourd’hui disparu qui lui fournissait une connotation particulière : l’amitié-philia et sa version chrétienne, la fraternité, qui exprimaient l’essence des relations humaines.

Les représentations communautaires (l’amicitia monastique, humaniste, maçonnique…) s’incarnent dans l’écriture personnelle. Celle-ci peut exprimer les aspirations, les contradictions et les débats qui résultent de l’appartenance à un groupe qui désigne l’amitié comme son essence et sa raison d’être.

2. L’exercice de l’amitié

L’amitié est un sentiment d’affection qui induit des relations spécifiques. Etant affaire d’élection autant que d’inclination, il n’est pas interdit d’en faire la déclaration. Mais l’amitié naît plus couramment de propositions et d’avancées affectives, dont un journal ou une correspondance peuvent garder la trace.

De la confidence aux secours, en passant par le conseil et l’hospitalité, la pratique de l’amitié englobe toutes sortes de gestes et de comportements. La relation devant être entretenue, une place éminente est réservée aux cadeaux, aux visites et à la correspondance, devenue à partir du XVIIe siècle l’épine dorsale de l’amitié. D’où ces questions essentielles : comment pratique-t-on l’amitié par lettres ? comment cet usage a-t-il évolué ?

L’amitié n’a pas toujours été un luxe et une relation de confort, réservée à la sphère privée. Bien qu’elle repose sur une relation interpersonnelle, elle a pour vocation seconde à se constituer en réseau – elle irrigue notamment les nombreuses compagnies d’Ancien Régime. Ostensible ou secrète, l’amitié renforce l’individu et génère du pouvoir : elle s’inscrit dans les mille et un moyens de parvenir. De là cette méfiance des collectivités envers les amitiés intimes, bien manifeste dans les règlements des congrégations et des établissements d’enseignement.

3. Ombres et clartés de l’amitié

Les documents privés sont propres à témoigner des amitiés secrètes, des amitiés en détresse, des amitiés trahies, des ruptures. L’analyse des discours peut révéler les sous-entendus, les non-dits, les contradictions et les dissonances d’une relation. Comment l’amitié serait-elle exempte d’envie, de jalousie et d’intérêt, puisqu’elle est chargée d’étouffer ces passions ?

Lien désexualisé, l’amitié peut être l’objet d’équivoques et de malentendus. On connaît la question traditionnelle : l’amitié entre hommes et femmes est-elle possible ? Comme lien humain, l’amitié doit s’effacer devant l’amour de Dieu : jusqu’où peuvent aller les amitiés spirituelles sans porter ombrage à l’amour divin ? Enfin, comme lien avec un autre soi-même, l’amitié doit cultiver le désintéressement, l’oubli de soi : mais ne s’agit-il pas là d’une ruse de l’amour-propre ?

L’amitié s’inscrit naturellement dans le temps. Parce qu’il s’agit d’un processus : une relation humaine possède un début et une fin. Parce qu’elle est un éminent objet de souvenir : la mémoire est tissée de liens affectifs qui font l’objet d’une réactivation et d’une reconstruction. Enfin, parce que dans les siècles passés, l’amitié était portée par une puissante aspiration à l’éternité.

4. Écrits personnels, littérature et amitié

L’expression écrite du sentiment est-elle constitutive du littéraire ? En ce cas, on postulera une littérature de l’amitié. Mais les obstacles sont nombreux. En particulier, le statut de vérité que l’on confère spontanément aux écrits personnels (volontiers qualifiés de « témoignages »), tend à les ramener à un « énoncé de réalité » et à les éloigner de la littérature entendue comme l’art du langage.

Dans le cas de l’amitié, l’écriture personnelle possède des référents prestigieux (Aristote, Cicéron, Plutarque…) qui incitent au travail sur le langage – pierre de touche de la littérature. Les caractéristiques de l’amitié vont dans le même sens : hautement valorisée, associée à l’honneur, vécue sur le mode passionnel, elle bénéficie d’un respect et d’une vénération qui rejoignent ceux que l’on porte, précisément, à l’expression littéraire.

* BIBLIOGRAPHIE

– Amitiés. Anthropologie et histoire, Textes rassemblés et présentés par Georges Ravis-Giordani, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 1999.

– Aymard, Maurice, « Amitié et convivialité », dans P. Ariès et G. Duby (dir), Histoire de la vie privée, tome 3, « De la Renaissance aux Lumières », Paris, Seuil, 1986, p. 459.

– Bidart, Claire, L’Amitié. Un lien social, Paris, La Découverte, 1997.

– Blanchot, Maurice, L’Amitié, Paris, Gallimard, 1971.

– Blanchot, Maurice, Pour l’amitié, Tours, Farrago, 2000.

– Bloom, Allan, L’Amour et l’amitié, Paris, De Fallois, 1996 ; rééd. le Livre de Poche, 2003.

– Daumas, Maurice, Des trésors d’amitié. De la Renaissance aux Lumières, Paris, Armand Colin, 2011.

– Derrida, Jacques, Politiques de l’amitié, Paris, Galilée, 1994.

Foi, Fidélité, Amitié en Europe à la période moderne. Mélanges offerts à Robert Sauzet, Textes réunis par Brigitte Maillard, Publ. de l’Université de Tours, 1995, Tome II.

– Follon, Jacques, McEvoy, James, Sagesses de l’amitié II. Anthologie de textes philosophiques patristiques, médiévaux et renaissants, Ed. universitaires de Fribourg, Suisse, Ed. du Cerf, Paris, 2003.

– Vincent-Buffault, Anne, L’exercice de l’amitié. Pour une histoire des pratiques amicales aux XVIIIe et XIXe siècles, Paris, Seuil, 1995.

– Vincent-Buffault, Anne, Une histoire de l’amitié, Paris, Bayard, 2010.

– « Les voies de l’amitié I & II », Épistolaire, revue de l’AIRE, n° 32 & 33, 2006 & 2007, pp. 147-180 & 129-171.

* COMITE SCIENTIFIQUE

Michel Braud (Université de Pau et des Pays de l’Adour)

Maurice Daumas (Université de Pau et des Pays de l’Adour)

Philippe Loupès (Université Michel de Montaigne, Bordeaux II)

Philippe Lejeune (Institut Universitaire de France)

Sylvie Mouysset (Université de Toulouse-Le Mirail)

Françoise Simonet-Tenant (Université Paris XIII)

* COMITE ORGANISATEUR

Michel Braud michel.braud@worldonline.fr

Maurice Daumas mau.daumas@wanadoo.fr

* MODALITES PRATIQUES

Les propositions de communications (titre et une demi-page de développement) sont à envoyer à Michel Braud ou à Maurice Daumas. Le délai pour l’envoi des propositions est fixé au 30 juin 2012.