Genèse et correspondances

L’Institut des Textes et Manuscrits Modernes (ITEM)

vous invite à prendre part au

Séminaire général 2006 – 2007 (* n’est pas un séminaire de l’Aire mais concerne l’épistolaire)

coordonné par Françoise Leriche et Alain Pagès

Genèse et correspondances

On peut voir ou écouter les interventions sur le site : http://www.diffusion.ens.fr/index.php?res=cycles&idcycle=315

21 octobre 2006 Alain Pagès (Université Paris III – Sorbonne nouvelle)
    Zola « La correspondance d’Émile Zola »

Une correspondance d’écrivain peut-elle être considérée comme un objet génétique ? Bien qu’elle ait été posée à différentes reprises, cette question n’a jamais fait l’objet d’une réflexion approfondie. C’est une telle lacune que ce séminaire s’efforcera de combler.

L’enquête commencera par l’examen de la correspondance d’Émile Zola.

Après une mise au point sur la façon dont Zola a lui-même perçu les enjeux des correspondances d’écrivains, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, on envisagera de quelle manière les informations de nature génétique peuvent s’inscrire dans une correspondance : l’indication des sources, le commentaire sur la genèse des œuvres, la chronologie des étapes de la rédaction. Une dernière question sera soulevée, enfin : la lettre – comme trace, comme énonciation, ou comme négociation sur le devenir de l’œuvre – peut-elle être perçue comme un avant-texte ?

 

4 novembre 2006 Françoise Leriche (Université Stendhal – Grenoble III) Proust

«écrire sous le regard d’autrui : la dimension génétique dialogale

de l’œuvre proustienne »

Une correspondance d’écrivain peut-elle être considérée comme un objet génétique ? Après l’examen de la correspondance d’Émile Zola par Alain Pagès, le 21 octobre, l’enquête se poursuivra par l’examen de celle de Proust.

Sans la correspondance, on ne saurait quasiment rien de la production journalistique (anonyme ou pseudonymique) du jeune Proust, de ses œuvres abandonnées, de ses projets, de la formation de son esthétique, et on ne saurait pas même dater les étapes du long processus génétique ayant produit la recherche: c’est dire si la correspondance est un témoin indispensable aux généticiens. Cependant, ces lettres invoquées pour la datation des étapes génétiques sont surtout, pour Proust, un lieu et un moyen de dialogue, de consultation, par lequel il sollicite – selon diverses modalités qu’il faudra examiner – la participation de certains de ses amis ou de ses proches à son travail projeté, en cours, ou en mutation. Il s’agira donc d’évaluer la place de ce dialogue avec autrui, la place du regard d’autrui (réel ou fantasmé), dans le dispositif génétique proustien.

Coordination.

Françoise Leriche (francoise.leriche@wanadoo.fr)

Alain Pagès (pagesal2@wanadoo.fr)

SÉANCE OUVERTE À TOUS

2 décembre 2006 José-Luis Diaz (Université Paris VII – Denis Diderot)

Séminaire général de l’ITEM

de 10h à 12h, Salle Dussane

Balzac

José-Luis DIAZ

Professeur Université de Paris VII – Denis Diderot

«De la Conception à la Production : la correspondance de Balzac  comme mémorial d’un processus d’engendrement»

Que pouvons-nous attendre d’une correspondance telle que celle de Balzac en matière de connaissance génétique ? Peu de chose sans doute au sens strict. Point chez lui de texte qui s’essaie d’abord par correspondance. Point non plus de journal systématique de l’œuvre et de son processus rédactionnel, comme dans l’exemple – il est vrai limite – de Madame Bovary. Les productions se succèdent à une vitesse telle, s’enchevêtrent de telle façon, qu’il est difficile de suivre les étapes du processus de « génération » d’une œuvre si l’on s’en tient aux seuls bulletins venus du fond du « cratère ». Ce déficit de l’épistolaire est ici d’autant plus sensible que le généticien est comblé, en revanche, par des archives prodigues. Nous sommes face à un écrivain qui, l’un des tout premiers, a mis un accent d’emphase exceptionnel sur son laboratoire. Objet d’étude pour la génétique, mais aussi l’un de ses promoteurs…

Partant de ce constat, l’exposé s’efforcera de recueillir les éléments génétiques que, malgré tout, offre la correspondance de Balzac. On distinguera selon les diverses phases et les différents correspondants, mais surtout selon les moments du processus génétique qu’elle permet d’éclairer : « chasse aux idées », recherche de titres, utilisation d’informateurs, de « nègres », élaboration de plans, rédaction éclair « dans la joie folle de la génération », harassant travail des épreuves, mais surtout constante attention aux proportions changeantes d’uneŒuvre multiforme mais qui se sait d’emblée « capitale ».

Enfin, dans un dernier temps de la réflexion, il conviendra d’envisager ce que la correspondance a en propre en termes, non plus d’« archives génétiques », mais de mémorial d’un engendrement passionné. La correspondance nous en a gardé le témoignage ; mais ne fut-elle pas aussi l’un des vecteurs de ce processus ?

Coordination.

Françoise Leriche (francoise.leriche@wanadoo.fr)

Alain Pagès (pagesal2@wanadoo.fr)

13 janvier 2007 Pierre Dufief (Université de Bretagne occidentale) Les Goncourt

Séminaire général : 13 janvier 2007

Pierre Dufief

(Université de Bretagne occidentale)

« La lettre chez les Goncourt, miroir ou écran de la création »

Les études génétiques consacrées aux Goncourt ont, à défaut de manuscrits, privilégié le Journal et les Carnets préparatoires. Il semble pertinent de s’interroger aussi sur le rôle de la correspondance comme témoin de la genèse des oeuvres littéraires. Historiens- collectionneurs, passionnés d’autographes, les deux frères ont soigneusement conservé le courrier reçu qu’ils considéraient comme le complément nécessaire duJournal.

Les lettres renseignent sur le jeu des réseaux ; elles informent en aval sur la réception des oeuvres mais elles sont aussi en amont le miroir de la création littéraire ; elles
précisent, parfois mieux que le Journal, les étapes de la genèse ; elles font connaître les méthodes des Goncourt qui commencent par enquêter sur des points de détail puis écrivent généralement dans la foulée le premier et le dernier chapitre de leur ouvrage futur. La correspondance privilégie les phases de recherches préliminaires, le début de l’écriture et les derniers moments de la rédaction, pratiquant l’ellipse sur les autres étapes de la création. Elle multiplie les questionnaires et elle s’apparente alors aux carnets d’enquête ; les deux frères mettent en texte les réponses de leurs informateurs qui fonctionnent comme des brouillons ou comme de premiers états de leur rédaction. La correspondance souligne enfin l’aspect « interactif » d’une écriture souvent sous l’influence d’un interlocuteur qui oriente, conseille, à la manière du guide implicite que fut Flaubert pour les Goncourt.

Miroir, la lettre est aussi écran protecteur. Réduite au rôle de parasite de la création littéraire, elle occupe les temps morts ; elle traduit les « pannes » de l’écriture, évoque toutes les pesanteurs qui arrêtent l’élan créateur, les diverses formes du guignon qui frappent l’écrivain (difficultés matérielles, aboulie, dépression, maladie). La correspondance se tait dès que revient l’inspiration, dès que le travail reprend. La genèse, acte intime, s’accomplit alors dans un secret bien gardé par une correspondance seulement chargée d’écarter les importuns.

La lettre, ainsi envisagée, se situe à la périphérie d’une oeuvre, dont elle est, chez les Goncourt, romanciers formés à l’école de l’histoire,  un matériau essentiel. Elle est intégrée au texte, soit dans son intégralité, soit sous forme d’extraits, de résumés, de reformulations. L’insertion d’éléments isolés ou de séries épistolaires remet en question l’écriture romanesque traditionnelle, remplaçant l’imagination par le document et le récit linéaire par le fragment. Edmond proclame la crise du roman et célèbre l’avènement de la correspondance comme oeuvre de l’avenir. Les Goncourt historiens furent d’abord des éditeurs de correspondances ; la correspondance de Jules, retravaillée, coupée, censurée par Edmond, devient à son tour un élément de l’?uvre des Goncourt. Le dernier roman d’Edmond, Chérie, n’est-il pas d’ailleurs, de façon significative, une édition d’extraits de correspondances et de journaux intimes, le romancier devenant comme l’historien un éditeur de correspondances ? La correspondance est devenue l’oeuvre et la genèse de l’oeuvre serait à chercher dans les avatars des éditions de correspondances.

 

3 février 2007 Brigitte Diaz (Université de Caen)

Stendhal « L’atelier épistolaire »

Dispositifs génétiques dans la correspondance de Stendhal

Brigitte Diaz Université de Caen

Comme beaucoup d’écrivains de son siècle, c’est par la médiation de la correspondance qu’Henri Beyle a investi le champ littéraire. Le jeune homme des années 1800 qui délivre à sa sœur des cours de « métaphysique littéraire » par correspondance gère par lettres sa propre formation de « poète ». La correspondance est un terrain d’essai où pratiquer des exercices de style, programmer les œuvres à venir et négocier fantasmatiquement son entrée en littérature. Bien plus qu’à la genèse des œuvres la correspondance est alors vouée à la genèse de soi comme écrivain. Dans ce contexte, la lettre est davantage « brouillon de soi » qu’avant-texte d’une œuvre à venir. C’est là une première et essentielle fonction génétique de la correspondance.

 

Stendhal devenu écrivain, la correspondance conserve pour lui un lien étroit avec la création littéraire, selon des usages qui vont varier au cours de sa carrière. Dans les premières années de création, la correspondance fonctionne comme une sorte d’atelier d’écriture, où les œuvres s’élaborent dans la convivialité féconde du dialogue épistolaire. De cette influence de la lettre témoignent les premières créations : elles exploitent abondamment le modèle épistolaire sous des avatars divers : Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, Racine et Shakespeare… On verra comment dans la polyphonie épistolaire s’activent alors quantité de liens qui révèlent les multiples modalités de production de l’œuvre. On peut y suivre à la lettre le processus qui mène des ébauches de l’œuvre jusqu’à sa réception, en passant par toutes les étapes d’une gestation mise à l’épreuve du sens critique des correspondants, et cela jusqu’à la composition éditoriale du livre que Stendhal souvent programme dans l’atelier épistolaire avec ses « collaborateurs ». Il semble cependant que, dès la publication du premier roman (Armance, 1827), la correspondance perde progressivement ses fonctions génétiques, tout en gardant pour horizon la littérature : celle que l’écrivain commente et critique via le dialogue épistolaire avec ses pairs, mais surtout celle qu’il produit. La correspondance se voue alors au débat critique et à la réflexion esthétique, la genèse de l’œuvre proprement dite passant par d’autres protocoles.

 

Quelles que soient ses fonctions cependant, la correspondance a tenu un rôle essentiel dans l’élaboration du projet littéraire et du devenir écrivain de Stendhal. Si le journal, les notes marginales, les manuscrits des textes en gestation sont des outils indispensables pour comprendre la genèse des œuvres, la correspondance est un autre révélateur de ces dispositifs génétiques, plus « impure » certes, parce qu’elle n’est pas uniquement vouée à la genèse de l’œuvre, mais aussi à une pratique beaucoup plus large de sociabilité littéraire. Dans l’espace de la création stendhalienne la correspondance occupe des places et des fonctions variables sans jamais se réduire à un simple discours d’escorte de l’œuvre. De la lettre au livre se tisse un réseau de connexions mobiles, parfois imaginaires   le livre comme une « lettre à un ami » est un rêve stendhalien – mais aussi parfois très concrètes, la lettre se posant comme un autre pilotis de l’œuvre.

17 mars 2007 Pierre-Marc de Biasi (ITEM, CNRS) Flaubert
12 mai 2007 Lise Dumasy (Université Stendhal – Grenoble III) Tocqueville

Séances le samedi matin, de 10 h à 12 h, à l’ENS : salle Cavaillés (le 21 octobre et le 4 novembre), salle Dussane (le 2 décembre, le 13 janvier, le 3 février et le 12 mai) et salle Celan (le 17 mars).